La science, la cité

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La fraude scientifique disséquée par la socio

“L’analyse de la fraude jette une lumière considérable sur le fonctionnement réel de la science. Elle éclaire à la fois les motivations du chercheur individuel et les mécanismes par lesquels la communauté scientifique valide et accepte les connaissances nouvelles. (…) ce n’est qu’en reconnaissant que la fraude est un phénomène endémique que l’on pourra comprendre la véritable nature de la science et de ses serviteurs.”
— William Broad et Nicholas Wade, La Souris truquée. Enquête sur la fraude scientifique, Le Seuil coll. Points Sciences (1982, trad. fr. 1987)

Les journalistes Broad et Wade avaient bien compris l’intérêt épistémologique et sociologique à étudier la fraude scientifique, ou son négatif, l’intégrité scientifique. Ce programme s’étant développé dans plusieurs directions, les sociologues Michel Dubois et Catherine Guaspare viennent de publier une somme intitulée L’Intégrité scientifique. Sociologie des bonnes pratiques. Dans cet ouvrage, ils se livrent à un quadruple exercice :

  • décrire le paysage institutionnel de l’intégrité et son histoire
  • présenter des cas de méconduite scientifique et leur traitement (le cas de Michael LaCour et deux cas anonymes)
  • cartographier les travaux consacrés à l’intégrité scientifique, autour de quelques objets d’étude principaux (les pratiques discutables, la signature scientifique, les rétractations, l’évaluation post-publication, les causes des méconduites scientifiques)
  • revenir sur quelques résultats obtenus par les auteurs sur différents terrains d’enquête.

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Bref, une somme de 400 pages dans un format quasiment poche, qui a le mérite de brosser un panorama large ! Pour en rendre compte, j’ai traversé l’ouvrage en suivant quelques obsessions personnelles en matière d’intégrité scientifique (souvent chroniquées sur ce blog).

Pourquoi la mission science société du CNRS s’est occupée d’intégrité ?

J’ai toujours trouvé gênant que Jean-Pierre Alix, conseiller “Science-société” auprès de la présidence du CNRS, se soit vu confier la mission fraude scientifique au CNRS (voir ces deux tweets de décembre 2009). Pour moi, c’était une façon d’indiquer que les enjeux d’intégrité proviendraient de l’interface science-société, alors qu’à mon sens ils sont complètement endogènes à la recherche… L’ouvrage rappelle qu’Alix n’a pas chômé : il a participé aux travaux de l‘European Science Foundation sur l’intégrité (p. 25), il a participé à l’organisation de la première World Conference on Research Integrity en 2007 (p. 79), et il a rendu un rapport sur la fraude scientifique au Ministère en 2010 (p. 25), malheureusement resté sans effet (selon un témoin interrogé par les auteurs, p. 65).

Mais pour en revenir à ma question, le chapitre 18 relatant une enquête auprès des scientifiques de l’Inserm montre que 90 % des enquêtés associent le respect de l’intégrité scientifique à la confiance du public : l’intégrité scientifique est perçue comme un moyen de renforcer la légitimité et la crédibilité de la science aux yeux du grand public. C’est la deuxième motivation la plus souvent invoquée, après la volonté de garantir la fiabilité des résultats de recherche. Pour Dubois et Guaspare, les chercheurs sont conscients que la science n’existe pas indépendamment de la société ; elle dépend du soutien et de la reconnaissance du public. L’interdépendance entre intégrité scientifique et relations science-société serait donc justifiée, et pas seulement un prétexte ! D’autant que cette relation apparaît comme particulièrement présente chez les enquêtés les plus jeunes ayant un profil de type postdoctorant, contractuel et de moins de 40 ans, une population qui exprime par ailleurs avec le plus d’intensité le sentiment d’une “crise grave” ou généralisée du lien entre science et société.

Affaire Bihain

J’ai déterré en 2008 l’éditorial de la revue Science & Vie de 1998 consacré à l’affaire Bihain, qui regrettait amèrement que n’existe en France aucune déontologie scientifique. J’ai déploré en 2015 que le traitement de l’affaire aussi bien par l’Inserm que par le Ministère fut lamentable (…) et si bien minoré qu’aujourd’hui cet épisode a été oublié (…) et brille par son absence sur la page Wikipédia dudit Bernard Bihain. Je suis donc satisfait qu’en 2025, cette affaire fasse l’objet d’un encadré historique de deux pages (p. 363, appuyé sur Malscience de Nicolas Chevassus-au-Louis). Mais Dubois et Guaspare seraient bien intentionnés, dans une réédition de leur ouvrage, de corriger l’erreur sur la date du communiqué de l’Inserm paru en juin 2003 (et non en juin 2023 comme indiqué à deux reprises !). (Une autre coquille apparaît p. 178, où CRO est confondu avec RCO.)

Fraude dans la présentation des résultats de la recherche

J’aime l’approche de Daniele Fanelli consistant à redéfinir la fraude scientifique comme omission ou déformation de l’information nécessaire et suffisante pour évaluer la validité et l’importance d’une recherche. Cette manière de voir ramène la lutte contre la fraude scientifique sur le terrain de la communication des résultats, qui m’intéresse particulièrement. Et c’est une façon, selon lui, de rendre la fraude plus difficile en rendant impossible le mensonge par omission. Cette idée est bien présente dans un tableau synthétiques des pratiques discutables (p. 55), où la présentation et l’interprétation des résultats sont associés aux pratiques discutables suivantes :

  • la surinterprétation des résultats, l’exagération de leur nouveauté, de leur importance ou de leur applicabilité
  • l’absence de transparence et d’exhaustivité dans la communication des méthodes, protocoles et conditions expérimentales utilisés
  • l’omission (volontaire ou non) de données qui pourraient contredire une hypothèse
  • la reformulation de l’hypothèse de départ pour qu’elle s’ajuste aux résultats obtenus
  • le fait d’utiliser des travaux antérieurs sans les citer.

Affaire Voinnet

J’ai couvert à deux reprises sur ce blog l’affaire Voinnet, du nom de ce biologiste des plantes du CNRS au succès foudroyant, suspendu après enquête de son employeur suite à des accusations graves émises sur PubPeer concernant plus de 40 de ses articles ! J’étais impatient de lire ce que Dubois et Guaspare avaient à en dire… or ils y consacrent une étude de cas dans le chapitre “La biologie des plantes à l’épreuve de l’évaluation postpublication” (initialement publié dans la revue Zilsel). Cette analyse sociologique met en évidence les nouvelles formes de scepticisme organisé mises en œuvre par la communauté scientifique (p. 284), qui ne sont pas du tout des espaces d’ignorance et de non-droit comme on les caricature parfois.

Mais pour des infos d’insider, on se tournera vers Michèle Leduc, ancienne présidente du Comité d’éthique du CNRS interrogée par les auteurs (p. 73) : on a rencontré beaucoup de difficultés pour faire admettre au président du CNRS de l’époque que son dispositif pour régler les questions d’intégrité scientifique n’était pas suffisant. On lui a d’ailleurs dit bien avant le scandale autour d’Olivier Voinnet, dès 2012, avec un avis intitulé Nécessité d’une mise en place au CNRS de procédures en vue de promouvoir l’intégrité en recherche. (…) Notre avis de 2016 suggérait que le CNRS puisse faire comme l’Inserm. Cela n’a pas plu du tout ! Et pourtant l’affaire Voinnet, c’est tout de même la première fois que le CNRS, grande maison créée il y a plus de quatre-vingts ans, prenait des leçons de morale dans la grande presse. Il y a eu des articles dans Le Monde, dans Science, Nature, etc.

COPE (Committee on Publication Ethics)

Je suis fasciné par COPE, une alliance d’éditeurs qui fixe les bonnes pratiques en matière d’éthique, et dont les membres font tout l’inverse dès lors qu’ils doivent rétracter une publication, investiguer sur un signalement, etc. Ce paradoxe est peu traité dans l’ouvrage — Dubois et Guaspare rappellent seulement les conditions nécessaires fixées par COPE pour procéder à la rétractation d’une publication (p. 186) : un manque de fiabilité avérée des résultats publiés, la découverte d’un plagiat, une absence d’autorisation pour l’utilisation des données, une démarche de recherche contraire à l’éthique, un processus d’évaluation par les pairs compromis, un manque de transparence sur des conflits d’intérêts.

Normes des enquêtes pour manquement à l’intégrité scientifique

Si vous ne connaissez pas le billet de blog “Open letter to CNRS” de Dorothy Bishop, lisez-le : il s’agit d’un échange en mars 2023 entre le référent intégrité scientifique du CNRS et les signataires d’une lettre ouverte relative au traitement des soupçons de fraude portés sur PubPeer contre une chercheuse française. On y découvre l’abîme qui existe entre le traitement par le CNRS de ce type d’affaires et les attentes des signataires : d’un côté le secret, une procédure codifiée, et une prudence toute administrative… et de l’autre la nécessité de réagir vite, même à un simple signalement PubPeer, pour dépolluer la littérature scientifique et sanctionner les coupables. Est-ce que Dubois et Guaspare analysent ce hiatus ?

Ils le font notamment en conclusion d’une étude de cas dans les humanités, qui met en lumière la complexité des dilemmes auxquels font face celles et ceux qui assument la responsabilité d’avoir à décider. Il leur revient de protéger l’intégrité scientifique de leurs organisations tout en évitant de nuire injustement aux personnes mises en cause. Il leur revient de trancher entre une approche de justice punitive, fréquemment identifiée aux signalements en ligne, et une approche de justice réparatrice qui privilégierait la possibilité de corriger les manquements plutôt que d’interrompre la carrière d’un chercheur. Il leur revient enfin de choisir entre agir dans la discrétion pour protéger les personnes ou agir en pleine lumière pour accroître la confiance de la communauté scientifique dans les processus décisionnels de ses institutions (p. 134).

Concernant la confidentialité des enquêtes sur les allégations de fraude, on apprend dans le témoignage de la première déléguée à l’intégrité scientifique de l’Inserm, Martine Bungener, qu’il fut décidée à sa création en 1999 que les signalements ne devaient pas être anonymes : on garantissait une première période d’enquête interne et anonyme, et cela devenait public une fois suffisamment d’informations collectées (p. 69). Procédure confirmée par le décret du 3 décembre 2021 relatif au respect des exigences scientifiques qui prévoit la confidentialité de la procédure de traitement des signalements (p. 74). Origin story intéressante : le directeur général de l’Inserm de l’époque était marqué par sa rencontre avec le directeur des NIH, qui avait été confronté à une histoire compliquée. Cela l’avait beaucoup choqué : un chercheur qui avait été accusé à tort et qui s’était suicidé deux mois avant (p. 68).

Le rapport de 2018 ayant conduit à la création de la Mission à l’intégrité scientifique du CNRS contenait trente-deux recommandations, dont le référent IS ne doit pas pouvoir s’autosaisir, mais doit pouvoir être saisi par quiconque est alerté par des allégations discutées dans la sphère publique (p. 71). Le succès de PubPeer pose un problème aux référents à l’intégrité scientifique : le cadre règlementaire qui s’applique au traitement des signalements de méconduites n’a généralement pas imaginé une situation où les allégations proviendraient d’utilisateurs d’une plateforme en ligne qui seraient à la fois plusieurs, anonymes et sans lien officiel avec les institutions scientifiques (p. 224). De quoi inspirer une réforme en profondeur des procédures ? D’autant qu’une enquête auprès des scientifiques du CNRS montre que pour la très grande majorité des scientifiques interrogés il n’y a pas d’illégitimité de principe de ces innovations (p. 341).

Enfin, un chapitre consacré aux “détectives de la science” comme Dorothy Bishop et ses co-signataires met en évidence que l’objectif des utilisateurs des plateformes d’évaluation postpublication est à la fois d’exposer d’éventuelles anomalies et d’interpeller les auteurs et leurs institutions (p. 299).

Vous l’aurez compris, j’ai trouvé dans cet ouvrage très riche des réponses aux questions que je me pose, et nul doute que vous aussi !

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Fraude et intégrité scientifique : lettre ouverte à l'Académie des sciences

Monsieur le Président Bernard Meunier,
Madame la Secrétaire perpétuelle Catherine Bréchignac,
Monsieur le Secrétaire perpétuel Jean-François Bach,

en tant que citoyen, je m’honore de contribuer à la culture scientifique de ce pays et de ses habitants. Depuis 10 ans, je tiens sur mon blog « La science, la cité » la chronique des bonnes et mauvaises relations entre science et société. Ce rôle de vigie, j’aimerais le partager avec notre assemblée la plus auguste, siégeant quai Conti.

Statutairement, l’Académie exerce cinq missions fondamentales : encourager la vie scientifique, promouvoir l’enseignement des sciences, transmettre les connaissances, favoriser les collaborations internationales et assurer un rôle d’expertise et de conseil. L’exemplarité éthique n’en fait pas partie mais c’est une responsabilité qui lui est reconnue de fait :

  • le rapport de Pierre Corvol propose de « mieux impliquer les Académies en matière d’intégrité dans les sciences et faire la promotion de leurs travaux dans la matière » (Proposition n° 13)
  • le Président Hollande, dans son discours de ce jour, désigne les scientifiques de l’Académie comme un rempart contre les « égarements » des « charlatans ».

Vous comprendrez ma colère et mon incompréhension du fait que l’Académie des sciences accueille en son sein un fraudeur notoire, à l’origine du plus grand scandale de fraude scientifique en France depuis l’affaire Bihain dans les années 1990. Olivier Voinnet, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a été suspendu par [MàJ 16/10] ses employeurs, l’ETH Zürich et son employeur le CNRS. Mme la Secrétaire perpétuelle Catherine Bréchignac peut mesurer la gravité de cette décision puisqu’elle a dirigé pendant cinq ans le CNRS, et qu’elle n’a jamais eu à prononcer une telle sanction.

Par conséquent, je tenais à vous exprimer ma révolte et à lire la défense que vous voudrez bien m’opposer. Dans cette attente, je vous prie de croire, chers membres du Bureau de l’Académie des sciences, ma considération la plus distinguée.

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[MàJ 28/09] Ceux qui ont suivi l’affaire Voinnet et savent déjà qu’il est membre de l’Académie des sciences me demandent s’il y a du nouveau le concernant. La réponse est non. Ce qui a motivé mon courrier c’est que l’Académie, très exposée en cette année de son 350e anniversaire, se pare de plus en plus d’une probité qu’elle ne me paraît pas mériter. On me demande également s’il est possible d’exclure un membre de l’Académie. Ses statuts prévoient que tout Membre, à compter du jour où son élection a été approuvée par le Président de la République, jouit durant sa vie entière de la totalité des droits que lui confère son élection, sans limitation aucune sauf celle prévue à l’article 25 des présents Statuts.. Rien n’est donc prévu pour exclure les brebis galeuses ; et on ose nous parler d’exemplarité…

[MàJ 14/10] En toute discrétion (je le dois à FX Coudert qui l'a repéré et tweeté), l'Académie des sciences a publié un communiqué de presse où elle annonce qu'Olivier Voinnet a été élu à l’Académie des sciences en novembre 2014 avant la mise en cause de plusieurs de ses publications. À ce jour, il n’a pas été reçu sous la Coupole, acte solennel d’intronisation de tous les membres de l’Académie des sciences. Dès que les conclusions de la commission mixte CNRS-ETH seront connues, notre Académie prendra alors les décisions nécessaires. Pendant cette période d’attente, notre Compagnie s’abstiendra de tout commentaire. Ce que je ne comprends pas c'est que le chercheur sur lequel porte l'investigation CNRS-ETH en cours n'est probablement pas O. Voinnet (mais l'un de ses co-auteurs). Pourquoi donc attendre le résultat de cette enquête dont les détails ne sont pas connus alors que celle qui portait sur O. Voinnet est terminée et a conduit à sa suspension ?!

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Quelques réflexions à propos de l'affaire Voinnet

Depuis le mois de janvier, le biologiste des plantes Olivier Voinnet est dans la tourmente. Sur le site de commentaires par les pairs post-publication PubPeer, ce sont près de 40 articles étalés sur plus de 15 ans qui sont pointés du doigt. En cause, des données qui semblent trafiquées, notamment des figures de résultats expérimentaux qui semblent avoir été montées de toutes pièces sous Photoshop. Alors, fraude ou négligence ?

Nous étions encore à nous interroger quand, le 1er avril, une chercheuse du même domaine témoignait sur le site PubPeer des aléas d’un article d’Olivier Voinnet dont elle s’est retrouvée rapporteuse à trois reprises (deux fois l’article fut refusé, pour être accepté la troisième fois). Elle raconte ainsi que les auteurs ont fait dire différentes choses aux mêmes figures, jetant le trouble sur l’authenticité de leur travail et leur intégrité. Et le 7 avril, Vicky Vance rendait public son rapport de relectrice de l’époque.

Le 9 avril, le CNRS (qui emploie Olivier Voinnet, où il est Directeur de recherche 1e classe) et l’ETH de Zürich (où il est détaché et dirige une équipe d’une trentaine de personnes) annonçaient installer chacun une commission d’enquête composée d’experts indépendants afin de faire toute la lumière sur ces accusations. Il suffit donc désormais d’attendre leur rapport ?

Ce n’est malheureusement pas si simple, et il y a plusieurs raisons d’être inquiet.

D’une part, alors que le CNRS et l’ETH verrouillaient la communication de crise et interdisaient aux protagonistes de communiquer pendant le travail des commissions d’experts, ces deux institutions ne purent s’empêcher d’aller au-delà du factuel dans leur communiqué de presse, pour exprimer leur avis sur les reproches formulés à l’encontre d’Olivier Voinnet :

Indépendamment des travaux de cette commission, le CNRS constate à ce stade que les mises en cause publiques ont porté sur la présentation de certaines figures, mais qu’à sa connaissance, aucune déclaration n’a remis en cause les résultats généraux obtenus par Olivier Voinnet et ses collaborateurs sur le rôle des petits ARN dans la régulation de l’expression des gènes et la réponse antivirale, résultats par ailleurs confirmés à plusieurs reprises, sur le même matériel ou sur d’autres, par différents groupes à travers le monde.

These allegations have come as a surprise to the Executive Board at ETH Zurich. Olivier Voinnet is a scientist whose outstanding research findings have been confirmed repeatedly by other research groups, says Günther (le Vice-président de l’ETH en charge de la recherche et des relations institutionnelles).

Or, comme leur a répondu Vicky Vance dans une lettre ouverte publiée dimanche 12 avril :

I have read that the posts showing fabrication of data in the figures of many of Prof. Voinnet’s articles were viewed by some people as having little importance. The rationale being provided is that the results are still valid because other labs have been able to show the same results. That is NOT completely true. The practice of fabrication of data by the Voinnet lab has had serious negative impact on the field of RNA silencing. Many investigators are, in fact, not able to repeat some aspects of his reported results or have conflicting data. However, once results are published in high impact journals by a powerful and important senior investigator such as Prof. Voinnet, there is little chance to get funding to pursue conflicting data and further experimental approaches are stalled.

Pour reprendre la formule des sociologues David Pontille et Didier Torny, if the absence of reproducibility is often considered a clue to falsification, the opposite is not necessarily true. C’est-à-dire que contrairement aux rayons N et à la mémoire de l’eau qui se sont dégonflés dès le pot aux roses découvert, le domaine des ARN interférents ouvert par Voinnet subsistera après lui. Mais dans quel état ? Le tri entre les résultats valables et les résultats non valables sera considérable, et on réalisera quel coup a été porté contre l’avancée des connaissances et l’éthique scientifique. À cet égard, l’attitude déculpabilisante des tutelles est irresponsable et inadmissible.

D’autre part, la France a un lourd passif en matière de gestion de la fraude scientifique. Revenons un peu en arrière : en septembre 1998, l’éditorial de Science et Vie titré Fraude scientifique : l’exception française regrettait que

il n’existe en France aucune déontologie scientifique. Nulle protection n’est offerte aux dénonciateurs, qui honorent la science en proclamant la vérité au risque de briser leur carrière. Il est temps de s’attaquer sérieusement au mal. Hélas, quand on lit le communiqué de l’Inserm, qui indique que, à sa connaissance, aucune mauvaise conduite scientifique de l’unité 391 n’a pu être démontrée, on n’a pas l’impression d’en prendre le chemin…

Ce qui valait l’ire de l’éditorialiste était l’affaire Bihain, du nom de ce chercheur Inserm bardé de contrats industriels qui annonça avoir découvert un gène de l’obésité susceptible de donner naissance à des traitements révolutionnaires… jusqu’à ce que des soupçons de fraude émergent. Le traitement de l’affaire aussi bien par l’Inserm que par le Ministère fut lamentable (comme en témoigne le résumé qu’en fit Nature) et si bien minoré qu’aujourd’hui cet épisode a été oublié (contrairement à la mémoire de l’eau, qui est pourtant plus vieille de 10 ans) et brille par son absence sur la page Wikipédia dudit Bernard Bihain.

Dix ans plus tard, la France faisait encore figure de mauvais élève dans la lutte contre la fraude scientifique, ce qui n’augure pas de bonnes choses pour l’affaire Voinnet. Mais certains observateurs (je protège mes sources !) estiment que ce scandale qui éclabousse un chercheur médaillé d’argent du CNRS, sans doute le premier grand scandale scientifique de l’histoire du CNRS, ne pourra pas être étouffé comme le fut l’affaire Bihain.

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