Dans son dernier billet, Béné (oui, ma Béné) aborde les rapports entre Science et Arts, plus ténus qu'on ne pourrait le croire. Elle explique notamment combien la science doit, selon elle, être "élégante et raffinée". Ceci m'évoque deux choses...

Einstein est réputé pour avoir considéré comme extrêmement importante cette dimension artistique et esthétique de la découverte scientifique. C'est d'ailleurs sûrement une étincelle poétique qui lui a suggéré que le temps et l'espace sont plus insaisissables et mystérieux que Newton le laissait croire ; àcôté, certaines personnes estiment que E=mc2 est une belle formule. Enfin, c'est une conviction esthétique et éthique intime qui lui fit introduire une "constante cosmologique" dans ses formules pour que l'Univers n'apparaisse pas comme en expansion, au mépris de l'évidence scientifique d'alors.

En face, Pierre Boulle nous rappelle dans L'univers ondoyant que le poète et romancier Edgar Allan Poe se laissa aller àdonner sa vision "scientifique" de l'Univers dans le poème Eurêka. Bien que novice en physique, il y fit parler ses convictions esthétiques, qui se révélèrent justes !! Voici ce qu'en dit Pierre Boulle :

La réalité, je ne me lasserai pas de le proclamer, c'est que Poe, quelques soixante-dix ans avant les observations de Hubble, avant les laborieuses inductions et déductions des savants relativistes, sans avoir la moindre connaissance expérimentale de l'expansion de l'Univers, Poe a senti que cette nuée d'étoiles éparpillées, cette "poussière d'étoiles" comme dit Reeves, devait avoir une origine commune. Il a eu la conviction qu'il y avait eu obligatoirement un Big bang. Il n'a pas employé ce mot qui eut sans doute répugné àson sens poétique, mais il a parlé de l'explosion de la matière irradiée dans l'espace, ce qui est rigoureusement équivalent.

Dans ce poème, on trouve aussi des illuminations comme "L'espace et le temps ne sont qu'un" !

A l'heure actuelle, le statut de l'Univers (expansion ? big crunch ? stationnaire ?) est encore en discussion, mais il n'en reste pas moins qu'il est troublant de constater àquel point, sur cette question, des préoccupations esthétiques peuvent côtoyer des préoccupations scientifiques, le plus proche de la vérité n'étant pas toujours celui que l'on croit.