Une angine me tombe dessus deux jours avant le départ. Moi qui ne suis jamais malade, ce n'est pas de chance, mais en prenant les choses en main tout devrait être ok pour faire le trajet comme prévu. Départ de Roissy àdestination de Chicago (pour le transit), c'est marrant de voir que nous survolons déjàle Canada, dans sa partie québécoise. Alors, je me pose des questions sur l'identité si particulière de ce pays bilingue, aidé en cela par ma lecture du moment, le premier volume du journal de bord de Maurice G. Dantec, écrivain diablement intéressant mais parfois contesté (àtort ?), qui a émigré àMontréal justement : Le théâtre des opérations. Journal métaphysique et polémique 1999. Il y affirme par exemple que "ce que le peuple français d'Amérique du Nord demande, et il le demande comme il peut, avec les moyens dont il dispose, y compris le souverainisme et le raidissement extrémiste, c'est la reconnaissance effective par ce Rest Of Canada anglais de l'existence singulière d'un autre peuple fondateur (ce que la Constitution actuelle ne permet toujours pas, après maints et maints essais de conciliation)". En plus de cet aspect constitutionnel, il faudrait selon lui que le Canada admette qu'il est l'héritage d'au moins trois peuples fondateurs : anglais, français et amérindien. Surtout, pour profiter de cette richesse et ne pas faire du Canada un second USA, Maurice G. Dantec préconise la chose suivante :

Redévelopper ici, au Canada, dans cette Amérique du Nord franco-britannique, une culture européenne critique et scientifique comme héritage commun àtous les hommes, quelle que soit leur origine, dégager d'urgence les natifs américains de la gangue de l'ignorance et de la bonne conscience libérale (qui interdit la chasse aux phoques, mais tient àce que l'autochtone conserve des "droits" spécifiques sur ses "territoires ancestraux" et ne sorte surtout pas de sa réserve ni de sa culture) afin de les englober dans un projet politique et métaphysique àla hauteur des problèmes mondiaux, en développant les industries écosystémiques du futur, l'agriculture de précision cybernétique, la météo temps réel, le contrôle environnemental, toutes ces technologies de la survie et de la terraformation qui vont nous permettre de refrabriquer une mémoire génétique et de concevoir un retro-engineering culturel, dans lesquels les savoirs du chamanisme, par exemple, pourront se joindre en tant que tels au champ critique de la connaissance, si on admet ce principe moteur, qu'une science encore embryonnaire ne demande qu'àles dissoudre objectivement en vue d'une synthèse supérieure.

Et un peu plus loin :

Le Canada anglophone a le choix entre s'américaniser, et perdre ainsi le peu de spécificité culturelle qui lui reste ou àl'inverse accepter de se franciser, àla condition toutefois que la culture française d'Amérique soit en mesure de synthétiser l'héritage européen continental et de rendre ainsi sa langue attractive, àla mesure de l'espace nord-américain, ainsi que du monde àvenir.
Qui donc en Amérique du Nord osera proposer Goethe, Nietzsche, Kafka, Proust, Baudelaire, Dante, Cervantès, Chateaubriand, Musil, Homère, Shakespeare, Démocrite, Balzac, Conrad, William Blake ou Oscar Wilde aux élèves du secondaire, quelles que soient leurs origines ethnique ou sociales, quelles que soient leurs "communautés naturelles" ? Qui donc acceptera de reprendre l'héritage philosophique et littéraire européen avant qu'il ne s'éteigne, sans plus aucun légataire ni descendant ? Qui osera entreprendre la connexion de cet héritage avec la culture américaine, avec disons Dos Passos, Faulkner, Borges, Burroughs, Philip K. Dick ou Thomas Pynchon ? Qui ?

Survol du Québec, puis arrivée àChicago par le Michigan (donc petite pensée pour Michael Moore et sa ville de Flint). Aéroport de Chicago : plongée dans les snacks, restauration rapide et autres Starbucks coffee. Là, pas de doutes, on se sent en Amérique du Nord.

Départ immédiat pour Vancouver (British Columbia, Canada) dans un avion autremenent moins classe et impressionnant.Il n'empêche, l'arrivée est proche et ça fait un bien fou. Sur l'iPod, l'album blanc des Beatles et l'album de Röyksopp tournent en boucle.

On nous sert une énième collation, je sens que tous ces grignotages ajoutés au décalage horaire vont avoir raison de ma vaillance dans les premiers jours du séjour.

A l'aéroport, il me manque un sac (celui prévu pour camper dans les Rocheuses). Ce n'est rien, Bénédicte m'attend et le sac devrait être amené demain chez nous.

Couchés à22h00, 7h00 du matin en France. Le coeur est léger et les yeux remplis d'étoiles.